Peindre la lumière

Monsieur Athanaze guidait avec fermeté sa classe d’élèves du CM2 dans les galeries du musée du Louvre. Peu de temps à perdre, les enfants regardaient les toiles comme on feuillette rapidement un livre d’histoire de l’art. Seul instant de pause, la salle Mollien abritant les peintures françaises du 19ème siècle, sans doute la période préférée de l’instituteur.
Quelques copistes étaient disséminés devant les toiles d’Eugène Delacroix ou Théodore Géricault. L’un des élèves avait remarqué qu’un des copistes ne reproduisait pas fidèlement la toile mais étalait ça et là des taches de couleurs. On reconnaissait vaguement la peinture plagiée. Bravant sa timidité, il s’approcha de l’artiste et posa la question :

– Vous peignez quoi ?

– Je peins la lumière du tableau.

J’étais ce jeune élève. Depuis la visite de ce musée, j’ai toujours la même curiosité artistique.

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La naissance de Bobig

Avant 1990, je m’appelais Eric. J’habitais encore dans le quartier de la Boissière , à Noisy le sec.  Avec mon appareil photo acheté grâce à un job d’été, je bidouillais des images avec de la peinture. Je les faisais ensuite développer en poster 50 x 70 cm.
Le resultat flattait l’œil. Avec le recul, cela ressemblait à du pauvre Andy Warhol mais à cette époque, je me considérais comme le nouveau Picasso. Je continuais donc sur cette voie, pensant révolutionner l’art contemporain.

En 1990, après un échec en histoire de l’art, je me retrouve embarqué au service militaire. Direction l’Allemagne. je ne vais pas trop insister en faisant le vieux vétéran mais l’armée a été très formatrice pour moi. J’ai appris à me bourrer la gueule à vitesse grand V et j’ai pu avoir la confirmation que les militaires étaient des cons.

Le seul point positif : la naissance de Bobig. Un surnom artistique m’a toujours manqué. Sans doute, l’influence des tagueurs que je fréquentais pendant les années lycée.
Je partais rarement en permission car j’ai très vite été dans le collimateur de la hiérarchie. Un vendredi, je peux enfin faire mon sac et prendre le train direction Paris. Au bout d’une heure de trajet, le train ralentit sans explication et stoppe dans la gare de Neustadt-Böbig

Mon année de langue allemande ne me sert à rien. J’ignore quand le train va repartir. Avec mes camarades, je commence à délirer sur le mot “Böbig”. je hurle le nom de cette station dans les compartiments. Bref je fais le con.

Pendant mon week-end, j’ai sorti crayon et stylo pour créer un personnage de bande dessinée : Le capitaine Böbig. 

En revenant dans la caserne, j’ai partagé les aventures de ce militaire bas du front. Le succès était tel que les lecteurs ont fini par m’appeler comme mon personnage.
Au bout de quelques mois, j’ai été viré à cause de mon comportement. On m’a fait partir comme un malpropre dans une caserne disciplinaire. J’ai encore le souvenir d’entendre le nom de Böbig hurlé de la part de mon petit fan club, attristé par mon départ. C’était décidé, je signerai mes artisteries avec Böbig.
Au fur et à mesure des années, les deux points au-dessus de la voyelle O ont disparu. De nombreuses artisteries sont signés de ce sobriquet.

Cela fait maintenant 30 ans que j’utilise ce surnom. Le temps passe à une vitesse folle

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