De la provocation trop facile

Nous vivons une délicieuse époque où l’on s’indigne des propos d’un rappeur mais l’on se contrefout de la misère galopante ou de l’intrusion dans notre vie privée.
Dans son dernier album, le rappeur Booba chante les paroles suivantes : « Ai-je une gueule à m’appeler Charlie? Réponds-moi franchement. T’as mal parlé, tu t’es fait plomber. C’est ça la rue, c’est ça les tranchées ».
l’objectif de l’artiste est simple. Faire parler de lui avec une punchline qui est tout simplement de la provocation trop facile. En interview, il assume en redonnant un petit coup de canif : « Ils (Charlie hebdo) savent à qui ils ont affaire, les mecs. Ils s’attaquent à l’islam, ils savent très bien qu’il y a un courant extrémiste, ils savent très bien comment les mecs fonctionnent, ils ont pris le risque de continuer à les attaquer… Voilà. Quand on joue avec le feu, on se brûle ».

Alors qu’il suffisait d’ignorer ses propos ou plus intelligemment de lancer un débat avec l’auteur, plusieurs personnes sont tombés dans le panneau de l’indignation.

Booba

Le premier , Thierry Solère, acteur de la vie politique UMP au sein du département des Hauts-de-Seine avec une jolie réputation de fayot dans cette région, a vite réagi dans les médias.
Son commentaire : « Je regrette que ce garçon qui a du talent dans son secteur d’activité fasse des clins d’œil et du marketing, alors qu’il n’habite plus la France, pour qu’une clientèle le trouve sympa. Je condamne bien sûr ces propos qui sont absolument odieux »
L’homme politique parle de marketing alors que sa tirade n’est qu’un plan de communication pour faire parler de lui. On tourne en rond. Aucun intérêt donc pour cette intervention.

Plus intéressant la réaction de Patrick Pelloux Chroniqueur à Charlie Hebdo :
« Booba ferait mieux de chercher l’intelligence plutôt que de chercher à justifier les terroristes et de se mettre du côté de ceux qui ont tué des femmes, des enfants, des dessinateurs, des journalistes, des ouvriers, des musulmans, des juifs »

Je relis la phrase de Booba et je ne saisis pas le même sens que Patrick Pelloux. La citation du rappeur me fait plutôt penser à la réaction de Delfeil de Ton après les attentats ainsi que cette phrase de Wolinsky : « Je crois que nous sommes des inconscients et des imbéciles qui avons pris un risque inutile. C’est tout. On se croit invulnérables. Pendant des années, des dizaines d’années même, on fait de la provocation et puis un jour la provocation se retourne contre nous. Il fallait pas le faire »

La suite de l’entretien du chroniqueur de Charlie Hebdo fait froid dans le dos. Interrogé sur d’éventuelles poursuites pour apologie du terrorisme, il a répondu : « Je n’avais pas pensé à ça, mais c’est vrai que c’est possible. C’est à la justice de décider, mais oui c’est possible. »

Charlie Hebdo, journal qui se faisait interdire car il s’était moqué de la mort de 146 personnes en 1970, est soudainement devenu sacré et ne doit subir aucune réflexion ou opposition ! Quitte à menacer de procès l’outrecuidant qui osera exprimer une opinion contraire.

On vit une sale époque pour la liberté d’expression.

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