Je ne suis jamais content

Lors des repas familiaux, après de vives discussions sur des sujets de société , il n’est pas rare que mes proches concluent le débat avec cette phrase « de toute manière tu n’es jamais content ! »
En faisant une vague introspection, il me semble que ce mécontentement est apparu vers l’adolescence. Trop sensible à l’injustice, j’avais de nombreuses occasions pour me révolter contre la société. D’abord dans mon quartier où j’étais témoin d’inégalités et de racisme sournois. A l’école puis au lycée, plus politisé que certains gamins, j’étalais mes opinions, me confrontant aux idées puantes du front national déjà présentes.
J’ai manifesté, cassé, forcé des portes de lycée pour pousser à la grève. Toujours cette colère en moi, contre les politiques, contre la société, contre tout.

En 1990, après de maigres études scolaires, j’ai fait mon service militaire, mon attitude m’a valu d’être fiché « à surveiller en permanence » C’était l’époque de la première guerre du Golfe. Devant mon écran de télévision, j’étais agacé par ces manipulations médiatiques. Bouche bée devant la bêtise des militaires, interloqué par le discours va-t’en guerre du gouvernement, l’impossibilité d’exprimer mes idées était une véritable frustration. Mon discours pacifiste me vaut un renvoi vers une caserne disciplinaire. Je lutte contre une autorité brutale sans jamais baisser les bras.

La possibilité de m’exprimer arrive quelques années plus tard. Nous sommes dans les années 2000, avec internet et l’apparition du weblog, je peux enfin râler en ligne. M’exprimer, raconter, critiquer. Toujours prompt à exprimer ma révolte, je me lance dans des débats avec des détracteurs virulents, parfois des trolls. je discute, j’argumente, souvent j’apprends de ces échanges. En me relisant, je me trouve souvent excessif, même parfois intolérant. Cependant, c’était une belle période où malgré un internet qui commence à etre cerné par des multinationales, je prenais le temps de lire des articles de blogueurs passionnants et je découvrais que je n’étais pas le seul à être mécontent.

Les choses se gâtent vers 2010, l’importance de plus en plus grande des réseaux sociaux perturbent la donne. Facebook et Twitter permettent à tout à chacun de s’exprimer. Ce qui pourrait être un progrès a été , à mon humble avis, un nivellement vers le bas de l’expression sur le réseau. S’exprimer en peu de caractères, partager des informations sans vérifier les sources, ne lire que les punchlines…toutes ces dérives ont ouvert une grande porte aux extrémistes de tout poils et une terrible perte de vitesse pour les blogs.

Pourtant, après une longue période à m’exprimer sur ces réseaux, j’ai vite réalisé que je subissais les algorithmes d’un système qui téléguidait mes choix de lectures et orientaient mes réactions. c’est la principale raison qui explique pourquoi désormais je veux prendre mon temps pour m’exprimer sans tenir compte de la dictature de l’audience et des réseaux sociaux. Exprimer mes opinions librement et une fois de plus donner raison à mes proches. Effectivement, depuis toutes ces années, force est de constater que je ne suis jamais content.

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